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Les saisons ont imprimé leurs traces dans les surfaces décrépies. Puis les hommes, avec les moyens du bord un coup de pinceau par-ci, une couche de plâtre par-là mais plus souvent indifférents, laissent s’écrouler et colmatent avec une clôture en fer, parpaings, grillage… Le langage carcéral remplace celui des fleurs.
Un mur à pêche qui s’écroule est pourtant un spectacle déchirant: il passe à trépas dans la douleur, comme on enfante. D’abord des croûtes de plâtre qui se détachent, laissant apparaître les pierres nues, retenues par de la terre qui s’effrite. Puis les premières pierres tombent, jamais seules, elles tombent par dizaines d’un coup. On peut voir alors les strates ingénieuses qui le composent, pierres fines, puis plus grosses, chaînages en plâtre. Le mur béant s’affaisse, bombe vers l’extérieur, une fissure apparaît, plaie ouverte, puis il bascule, lentement, cela prend des jours, des mois, comme ivre, comme pris de vertige, dangereusement, avant de s’affaler dans un bruit étourdissant. Après l’explosion, le silence, il ne gémit plus. Il meurt sans sépulture, le déserteur.
Une victoire de plus pour les adeptes de bitume.
Effrayant effacement. Le vide est comblé par l’ignorance qui réveille des fantômes du totalitarisme. Celui qui fait table rase. Qui nettoie. Désinfecte. Stérilise. Avec méthode. Qui a besoin de détruire tout avant de construire. Dans le mensonge. Comme si on pouvait venir de nulle part. Les bulldozers sont les négationnistes d’aujourd’hui.